Sarah El Haïry : "Les naissances sont le miroir de l’optimisme d’un pays"

Propos recueillis par Olivia Vignaud
Sarah El Haïry

Retour avec la ministre déléguée chargée de l'Enfance, de la Jeunesse et des Familles, Sarah El Haïry, sur la manière dont le gouvernement entend avancer sur les problématiques de son ministère pour Décideurs Magazine.

Décideurs. Pourquoi le sujet de la petite enfance n’a pas le poids politique qu’il devrait avoir sachant qu’il a un impact sur de nombreux domaines (éducation, égalité entre les hommes et les femmes, droit du travail) ?

Sarah El Haïry. Je ne saurais pas vous dire pourquoi alors qu’il a effectivement un impact sur tout.

L’éducation est la mère de toutes les batailles mais la petite enfance est la grand-mère de toutes les batailles.

C’est à ce moment-là que naissent les inégalités pour le bébé et les familles. Dès les 1 000 premiers jours de notre vie, nous n’avons pas les mêmes chances. Par exemple, les enfants exposés aux écrans à cet âge ont plus de risques de subir des retards de développement. Chaque année, 160 000 femmes ne reprennent pas le travail car elles n’ont pas trouvé de mode de garde, et je ne parle pas des temps partiels subis qu’elles doivent accepter pour pouvoir s’adapter à celui qu’elles ont décroché. Nous devrions avoir la liberté de choisir de rester ou non avec notre enfant.

Nous pouvons le tourner dans tous les sens mais cette période de la petite enfance est un accélérateur d’inégalités. Je milite pour un pays où nous ne sommes pas condamnés à avoir la même condition sociale que nos parents.

La réforme du congé parental, avec un raccourcissement de sa durée de trois ans à six mois, ne risque-t-elle pas de peser davantage sur l’emploi des femmes à l’heure où il manque 230 000 places en crèche ?

On ne peut pas avoir un congé de naissance de six mois sans service public efficace. Pour la première fois, un gouvernement met 6 milliards d’euros pour le service public de la petite enfance. Cet argent servira notamment à créer 200 000 places en crèches et à améliorer le recrutement et la fidélisation de professionnels de la petite enfance afin que les places gelées faute de personnel soient rouvertes.

Nous allons aussi mieux rémunérer le congé parental qui devient le congé de naissance car les classes moyennes n’ont pas la possibilité de le prendre si elles le souhaitent tout en assumant les charges de la famille. De plus, depuis que nous avons doublé la durée du congé paternité pour qu’il atteigne 28 jours, 7 coparents sur 10 l’ont pris. Ce qui prouve l’efficacité de cette mesure.

Comment feront les familles dont les enfants ne pourront bénéficier de places en crèche avant la fin du congé maternité/paternité ou de naissance, notamment parce que la naissance de leur enfant ne coïncide pas avec les calendriers de demandes de crèche en mairie ?

On ne décide pas de la date à laquelle on accouche et cela ne tombe pas forcément au moment des commissions de crèches. En réalité, il ne faut pas opposer les modes de garde. Nous devons accompagner les modes publics comme privés.

C’est pourquoi nous avons prévu un plan de relance de l’offre d’accueil fournie par les assistantes maternelles. Quarante pour cent d’entre elles partiront à la retraite d’ici à 2030, ce qui veut dire que 300 000 places sont en danger. Nous devons revaloriser ces métiers. Nous allons faciliter l’installation des assistantes maternelles en promouvant l’installation des maisons dédiées à leur activité dans les centres-villes car les loyers y sont trop chers pour qu’elles puissent y habiter et y garder des enfants. La PMI (Protection maternelle et infantile) est aussi appelée à être davantage dans l’accompagnement que considérée comme un contrôleur sanitaire.

Par ailleurs, dès janvier 2025, le reste à charge pour les familles qui emploient des assistantes maternelles sera réduit pour atteindre le reste à charge des parents qui ont leur enfant en crèche.

Avoir un enfant, c’est cher. Il faut oser le dire et proposer des solutions.

(...)

Le discours ambiant n’est pas "kids friendly". Cela impacte-t-il les parents ?

Quand une famille arrive dans un train avec ses enfants, elle a peur du regard des autres. Quand elle est en terrasse de restaurant, elle se demande si elle ne prend pas la place de quelqu’un avec sa poussette. Il y a des hôtels no kids. C’est dramatique.

Je crois que les naissances sont le miroir de l’optimisme d’un pays.

La courbe démographique française ne va pas très bien. Pas parce que les femmes ne veulent pas d’enfants (elles en désirent entre 2 et 3 et n’en ont pourtant qu’entre 1 et 2). Quand les naissances déclinent, c’est parce que la population a moins confiance en l’avenir, en son modèle social, en la solidarité entre les générations. Si la société n’accueille pas les familles dans la sphère publique, c’est un problème. Notre regard sur le sujet doit être très global. La bienveillance, ça se construit.

(...)

Comment redonner envie aux spécialistes de la petite enfance de travailler dans le secteur ?

Nous bâtissons tout un projet d’attractivité pour ces métiers souvent trop invisibles et pas assez rémunérés. Sur ce sujet, nous allons augmenter de 150 euros le salaire mensuel des professionnels de la petite enfance. Nous regardons aussi les conditions de travail. Ils doivent pouvoir prendre des pauses dans des salles dédiées, par exemple.

Il faut aussi montrer l’importance de ces métiers. Ces personnes ne font pas que changer des couches et donner des biberons, elles participent à l’éveil des enfants, au développement de leur langage et de leur motricité, à leur bien-être affectif. Nous avons prévu une campagne d’information afin de donner à voir les projets pédagogiques de ces métiers et les passerelles qui y sont rattachées.

Vous avez lancé un label afin de certifier les ateliers numériques pour les parents et ainsi limiter les charlatans qui, sur le Web, s’improvisent coachs parentaux. Ces personnes répondent à un besoin d’aide et d’écoute des parents. Ne faudrait-il pas augmenter la formation et l’information sur la parentalité ?

Il faut déjà briser un tabou : les parents peuvent demander de l’aide car c’est parfois difficile. Ils ont le droit d’être dépassés ou de se demander pourquoi leur enfant ne fait pas ses nuits, comment gérer la crise d’adolescence ou Parcoursup. Nous devons être au rendez-vous. Toutes les classes sociales sont touchées par ces sujets.

Ma mission consiste à proposer de l’information sécurisée. Pour cela, il y a le site jeprotegemonenfant.fr. Il était déjà une bonne source de premières informations. Nous le renforçons avec des rendez-vous physiques dont le contenu est labellisé "Parents, Parlons Numérique" afin d’être certains de leur qualité. Il y a aussi la possibilité de rejoindre des groupes de parole de manière à briser les solitudes. Enfin, il existe le programme 1 000 premiers jours qui fonctionne très bien. Ces sources et rendez-vous sont totalement gratuits pour tous les parents.

📰 Retrouvez l'entretien complet dans Décideurs Magazine

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